8 000. Ce n’est pas un chiffre jeté au hasard : en 2023, la SNCF n’a pas réussi à pourvoir 8 000 postes, malgré une offensive de recrutement menée tambour battant. À Lyon, à Marseille, des trains supprimés cet hiver, faute de conducteurs à quai. Sur de nombreuses lignes régionales, les retards s’accumulent, aggravés par une météo capricieuse et le manque criant de personnel qualifié.
Ce déficit de main-d’œuvre ne s’arrête pas aux postes de conducteurs. Les métiers techniques et la maintenance sont eux aussi en tension. Les partenariats avec Pôle emploi et les dispositifs de formation accélérée n’arrivent pas à compenser le flot continu des départs en retraite, ni à raviver l’attrait d’un secteur ferroviaire en perte de vitesse.
Pourquoi la SNCF fait face à une crise du recrutement et de la disponibilité du personnel
La difficulté de recrutement à la SNCF ne tombe pas du ciel. Elle découle d’années de choix stratégiques et d’une mutation profonde du rail. Les effectifs, comprimés pour cause de restrictions budgétaires, ne suffisent plus à renouveler les équipes. À Paris comme en Nouvelle-Aquitaine, les rangs vieillissent. Les départs massifs à la retraite laissent des vides que le marché de l’emploi ne comble plus, tandis que la fierté du métier de cheminot s’émousse sous la pression d’une flexibilité grandissante et d’une mobilité parfois subie.
La réorganisation interne menée pour préparer l’ouverture à la concurrence a bouleversé les repères. Les métiers techniques, comme les agents de circulation ou les équipes de maintenance, deviennent de moins en moins attractifs, alors même que les missions se complexifient. Le modèle RH évolue : régionalisation, mutualisation, recours à la sous-traitance. Résultat : les collectifs se fragmentent et l’unité sociale, longtemps marque de fabrique du groupe, s’effrite.
Voici les principaux facteurs qui exacerbent la crise :
- Ouverture à la concurrence : elle accélère la mobilité interne, installe un climat d’incertitude et rend difficile l’intégration de jeunes recrues.
- Pression sur le service public : SNCF réseau et SNCF voyageurs opèrent en flux tendu, sous la contrainte de la ponctualité et de la sécurité.
- Affaiblissement des repères collectifs : la dispersion de l’unité sociale historique rend le métier moins attrayant.
Dans ce contexte, les plans de recrutement peinent à résoudre la situation. On navigue entre stratégie de communication et réelles batailles pour améliorer les conditions de travail. L’enjeu n’est plus seulement de remplir les effectifs : il s’agit de défendre l’ambition de service public, sur un territoire qui réclame un réseau fiable, solide et accessible à tous.
Quels sont les impacts concrets sur la ponctualité et la qualité du service ferroviaire
La pénurie de personnel à la SNCF ne se limite pas aux chiffres : elle se traduit par des trains qui n’arrivent pas à l’heure, parfois pas du tout. Dès qu’un poste reste vacant ou qu’une absence n’est pas remplacée, l’ensemble du dispositif se fragilise. Les suppressions de trains se multiplient, les retards deviennent quotidiens, les incidents de circulation s’empilent. Les voyageurs, qu’ils soient en Île-de-France, en Nouvelle-Aquitaine ou sur les axes transversaux, le subissent de plein fouet.
Cette tension sur les effectifs se répercute sur la capacité à gérer les imprévus, qu’ils soient techniques ou liés à la météo. Moins d’agents de circulation, moins de techniciens de maintenance disponibles : l’intervention prend du retard, les interruptions s’allongent, le trafic perd en fluidité. Dans les gares de taille moyenne ou petite, la présence se fait plus rare, ce qui complique l’accès au service ferroviaire hors des grandes villes.
Les conséquences directes sont multiples :
- Les délais pour rétablir la circulation après un incident s’allongent
- Le nombre d’annulations de trains progresse, y compris sur des lignes majeures
- La réactivité faiblit lors des opérations de maintenance ou en situation de crise
La concurrence, portée notamment par Transdev ou la RATP sur certaines lignes, augmente la pression sur la SNCF. Mais les attentes ne diminuent pas : fiabilité, régularité, accueil. Tant que les effectifs ne sont pas renforcés et que le climat social reste tendu, le service public ferroviaire court après la demande, sans parvenir à tenir sa promesse.
Des solutions émergent-elles pour répondre aux défis de la pénurie et des aléas climatiques ?
Face à cette situation, la direction du groupe SNCF tente de reprendre la main. Réorganisation du travail, innovations ciblées, rien n’est laissé de côté, même si la marche à franchir reste haute. Des campagnes de recrutement plus ciblées sont lancées pour les postes d’agents de circulation ou de techniciens, là où les besoins sont les plus pressants. Mais la concurrence sur le marché de l’emploi, conjuguée à la pénibilité du métier, rend la tâche ardue.
Dans les centres de commandement régionaux (CCR), la modernisation des outils et la mutualisation des compétences avancent. Exemple concret à Lyon : de nouveaux dispositifs de supervision ont été installés pour mieux gérer les épisodes climatiques et réduire les temps d’interruption du trafic. La loi Pacte ferroviaire pousse la SNCF à repenser sa structure, en créant des filiales spécialisées et en misant sur une gestion plus agile.
Plusieurs axes de réponse se dessinent :
- Déploiement de formations accélérées pour la circulation ferroviaire
- Renforcement des liens avec les organismes de formation locaux
- Investir dans la prévention des risques liés au climat : entretien accru du réseau, anticipation des pics de chaleur ou des inondations
La capacité à générer un cash flow positif dans les branches comme le fret SNCF influence également les moyens alloués au recrutement et à la modernisation du réseau. Enfin, le dialogue social, via les CSE, reste une clef pour désamorcer les tensions et accompagner les transformations nécessaires.
Alors que chaque train supprimé rappelle l’air du temps, la SNCF avance sur un fil. Son avenir dépendra de sa capacité à réinventer ses métiers et à renouer avec l’élan collectif qui a longtemps fait sa force. Le rail français joue gros, et personne n’a intérêt à le voir décrocher.